Par Oddjob
À
Fury Magazine, chaque nouvel article vient un peu plus appuyer l’une de nos
devises favorites : "L'avenir
appartient au passé !".
Pour
autant, nous, à Fury, le monde moderne, ce n’est pas avec des slogans
politico-vaseux ou ésotérico-poisseux qu’on lui dit ce que l’on en pense. Mais
astucieusement et simplement avec notre contre (ou sous, faites votre choix)
culture ! Ainsi, c’est Moinet avec sa sempiternelle célébration de Bob et Bobette (il nous aura eus à
l’usure à force de nous faire l’article sur les mérites de Vandersteen, car
finalement on a cédé et ce fut le choc du Trésor
de Beersel… mais c’est une autre histoire). C’est HKFF avec son insatiable appétit
vestimentaire de pépette so casual.
C’est GetCarter et son irrésistible attirance pour cet obscur objet du désir
qu’est… l’automobile, en grand ou petit format. Et c’est aussi Wally Gator (si
si !), tranquille pêcheur à ligne des sommets faisant fi du bougisme
ambiant…
D’où
notre goût à tous pour les listes, les tops 5 ou 10. Une manière de se
rassurer, certes, contre les outrages du présent et la vulgarité de
l’immédiateté. Mais, surtout et avant tout, un moyen de préserver l’essentiel
avant le désastre annoncé !
Et
aujourd’hui, c’est moi qui m’y colle… avec les adaptations de Sherlock Holmes au
cinéma.
Pourquoi ?
Pourquoi pas… Après tout sans lui, le détective privé, l’élégance, la
misanthropie, la misogynie, la cocaïne, l’Angleterre victorienne, les
gouvernantes, le célibat assumé et revendiqué, le brouillard, le thé, l’amitié
masculine, le violon, le fauteuil club, les Alpes autrichiennes, les docks de
Londres … rien de tout cela n’aurait eu la même saveur, la même empreinte dans
nos souvenirs de lecture et de films.
Ainsi,
dans notre palmarès, s’étalant sur
quatre marches, n’ont pas été retenues les adaptations avec Basil Rathbone dans
le rôle titre. Non pas que les intrigues originelles de Conan Doyle y soient
trahies. Bien au contraire. Mais la transposition dans les années 40 dénature
quelque peu l’ambiance, du coup plus proche de La Marque Jaune. Pas plus que les deux épisodes réalisés par Guy
Richie. Car s’ils sont efficaces visuellement et esthétiquement, une certaine
complaisance dans la violence gratuite et une démagogie toute moderne les
éloignent d’une véritable fidélité "spirituelle" qu’exige une telle
adaptation.
Pour
la première marche du podium, The Seven
Per Cent Solution (Sherlock Holmes attaque l’Orient Express) a longtemps tenu la corde : la rencontre avec Freud, les illusions opiacées, un
docteur Watson merveilleusement composé par Robert Duvall… Tout est fort bien mis
en place. Mais c’est une autre aventure, bien plus originale encore, qui lui
dame le pion : Young Sherlock
Holmes (Le Secret de la Pyramide). Ou comment raconter avec brio LA
rencontre du futur détective et de son Watson de médecin, à la Brompton
Academy. Tous les éléments clés de la carrière de Holmes y sont peu à peu
amenés avec jubilation et gourmandise. Ainsi du deerstalker (le fameux couvre-chef de chasse), de la pipe, de
l’inspecteur Lestrade déjà dépassé par les événements, jusqu’au "fidèle" ennemi, Moriarty, professeur émérite et escrimeur
redoutable, mais surtout grand maître d’une secte d’adorateurs d’Osiris…
En
troisième position, on retrouve les pensionnaires du 221b Baker Street aux
prises avec Jack l’Eventreur. La vieille garde nous conseillera A Study In Terror (Sherlock Holmes
contre Jack l’Eventreur) à l’ambiance gothique digne de la Hammer (le film date
de 1965) et dont le propre fils de Conan Doyle, Adrian, est le co-producteur.
On lui préférera tout de même Murder By
Decree (Meurtre Par Décret). Réalisé plus tardivement, en 1979, il met en
scène Christopher Plummer et James Mason dans les rôles respectifs de Holmes et
Watson (on savourera également la présence de David Blow Up Hemmings en inspecteur du Yard). Duo qui pourrait bien être
le meilleur formé devant la caméra. Traquant le fameux éventreur de
Whitechapel, parcourant les bas fonds londoniens, ils découvriront la vérité
(une des hypothèses reprise dans From
Hell) au plus haut sommet de l’Empire britannique. Ici l’horreur n’est plus
gothique mais viscérale et chaque apparition du fiacre du tueur distille une
peur des plus macabres.
La
deuxième place est, elle, toute trouvée, avec The Private Life of Sherlock Holmes (La Vie Privée de Sherlock
Holmes). C’est le plus bel hommage aux personnages de Conan Doyle. Mise en
scène jouissive de Billy Wilder qui s’en donne à cœur joie dans la
réappropriation des passages obligés des romans. Car pour ce dernier, Holmes
n'est pas un moraliste, ni un redresseur de torts qui veut livrer les criminels
à la justice. Cela, il s'en moque. Ce qui l'intéresse, c'est de résoudre
l'énigme. Son grand regret, ce n'est pas qu'il y ait des crimes, mais qu'il y
ait des crimes sans imagination ! Et puis comment résister lorsque sont
convoqués des nains, le monstre du Loch Ness, une diva russe, la Reine Victoria
et… Christopher Lee en Mycroft Holmes !
Mais
pour autant la première place ne pouvait que revenir à une adaptation d’un
roman original. Et quelle adaptation, The
Hound of The Baskervilles (Le Chien des Baskerville). L’unique, hélas,
production de la Hammer, mettant en scène le personnage de Holmes, avec Terence
Fisher aux manettes (après deux Frankenstein et un Dracula), le hiératique
Peter Cushing dans la redingote du détective et l’aristocratique Christopher
Lee en dernier héritier de la famille maudite des Baskerville (Terence Fischer
récidivera quant à lui dans cette veine en réalisant Sherlock Holmes et le Collier de la Mort, je vous passe le titre en allemand, avec cette fois Lee en
Holmes et la présence de la belle Senta Berger, actrice autrichienne plusieurs
fois remarquée chez Peckinpah. Malheureusement, je n’ai jamais vu la couleur de
cette bobine…). Mais, ce qui fait sans doute l’un des attraits premiers et la
vraie vedette du film, c’est la lande, glaçante d’effroi, abritant la bête,
terrifiante pour celui qui s’y aventure, et rappelant dans ses entrailles les
âmes perdues. Gothique certes mais à la limite du fantastique tant les paysages
lugubres du Dartmoor confèrent au récit cette ambiance toute à la fois
mélancolique et horrifique. Bref le chef d’œuvre absolu en la matière et palme
d’or de notre sélection.
Elémentaire, tout bonnement élémentaires, très chers lecteurs !
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